Le marc de café, un fertilisant pour vos plantes ou une fausse bonne idée ?

Le marc de café : entre engrais miracle pour les uns et herbicide pour les autres, quelle place peut-il avoir dans votre jardin ? Babyplante.fr fait le point sur ce débat controversé en s'appuyant sur deux articles écris par des chercheurs japonais et espagnols, et publiés sur le site de MDPI (pionnier de l'édition scientifique en libre accès, avec 435 revues diverses dont 426 revues à comité de lecture et 9 revues de conférence, et soutenues par plus de 295 000 experts universitaires).

Vous l'avez sans doute remarqué, le marc de café comme engrais, fait partie des astuces les plus populaires sur internet. Cependant, est-il vraiment aussi vertueux qu'on ne le pense ? Pas si sûr... Zoom sur une pratique à laquelle il convient de prendre quelques précautions sous peine de voir ses plantes rester chêtives.

Le marc de café, riche en azote et potassium, peut-il être un bon engrais pour vos plantes ?

Le café est l'une des boissons les plus populaires au monde. Il s'agit du deuxième produit le plus précieux derrière le pétrole. Entre 8 et 15 millions de tonnes de marc de café utilisé (SCG) sont produites chaque année en tant que déchets verts dans le monde. Pour réduire ses déchets, les chercheurs se sont penchés sur la question de les utiliser comme source de carbone et de nutriments pour les sols dégradés. En effet, le marc de café contient beaucoup d'azote et de potassium, il est parfois plus riche que les produits naturels courants tels que le fumier de cheval, de vache ou bien de poules.

Ces résultats laissent à penser que le marc de café a le potentiel d'être un bon fertilisant pour les plantes... En somme, il présente toutes les caractéristiques d'un bon engrais : naturel, facile à trouver, riche en nutriments, avec un rapport C/N relativement bon, et un pH légèrement acide et idéal pour toutes les pratiques agricoles. Mais ce n'est pas aussi simple.

Tout d'abord, la bonne teneur en azote du marc de café, ne lui profite pas car c'est un azote qui n'est pas assimilable directement par les plantes. De plus, le marc de café ne fait pas qu’augmenter la quantité d’azote dans le sol, il l'immobilise dans le sol, le rendant ainsi moins disponible pour les plantes. Seule solution : le marc de café doit être composté pour délivrer son azote (nous y reviendrons plus en détail dans cet article).

Mais ce n'est pas tout, le SCG (marc de café) contient des substances toxiques telles que la caféine, les tanins et les polyphénols. Des chercheurs espagnols ont constaté qu'après l'application de marc de café, le sol contenait 4000 fois plus de phénol. Il peut devenir un contaminant environnemental lorsque la caféine, les tanins, les polyphénols et d'autres composants s'infiltrent dans les sols et les eaux souterraines. La caféine est un contaminant fréquent de l'eau avec une gamme d'effets physiologiques néfastes sur les vertébrés aquatiques et les invertébrés (même à de faibles concentrations).

Enfin, le marc de café contient de l'acide chlorogénique, un polyphénol dont de récentes études ont montré que la prise en continue améliorerait l’activité du système nerveux autonome et la qualité du sommeil chez les Hommes, mais qui en revanche, inhibe la croissance des plantes. C’est d’ailleurs en raison de ces propriétés toxiques que le marc de café est parfois recommandé pour contrôler les mauvaises herbes.

Pour mettre en lumière ce qui vient d'être exposé, voyons plus en détails une expérience sur le terrain menée par l'université Kinki au Japon entre 2009 et 2011 (auteurs : Koji Yamane, Mitsuaki Kono, Taiji Fukunaga, Kazuya Iwai, Rie Sekine, Yoshinori Watanabe et Morio Iijima).

Évaluation sur le terrain de l'application du marc de café pour la croissance des cultures

Dans l'étude japonaise, l'utilisation du marc de café dans les champs de culture a été évaluée en termes d'amélioration de la croissance des cultures, d'amélioration du sol et de contrôle des mauvaises herbes au cours de quatre saisons de culture successives pendant deux ans. Nous allons nous concentrer sur l'évaluation sur la croissance des cultures, et pour cela 6 cultures d'engrais vert d'été et 3 d'hiver ont été cultivées de juin 2009 à mai 2011.

Matériels et méthodes

Les expériences ont été menées pendant deux ans, de 2009 à 2011, dans la ferme expérimentale de l'Université Kinki à Nara, au Japon.

Au total, 9 cultures d'engrais vert : luzerne (Medicago sativa L. cv Neotachiwakaba), crotalaria (Crotalariajuncea L. cv Nekobu-killer), herbe de Guinée (Panicum maximus Jacq. cv Natsukaze), vesce velue (Vicia Villosa, cv Mamesuke), sorgho (Sorgho bicolore (L.) Moench, cv Metersorugo), tournesol (Helianthus annuus L. cv Ryokuhi himawari), avoine (Avena sativa L. cv Heiotsu), orge (Hordeum vulgare L. cv Wasedorinijyo), et seigle (Secale cereale L. cv Haruichiban) ont été testées sur la période concernée.

Les mêmes cultures d'engrais vert ont été utilisées sur les deux ans : engrais vert d'été sur la 1ère et la 3ème saison, et engrais vert d'hiver sur la 2ème et 4ème saison de culture ; les expériences ont également été menées de la même manière sur les 2 années.

Afin de pouvoir établir une comparaison pertinente, 3 concentrations différentes de marc de café ont été utilisées : témoin (0 kg/m²), faible (1 kg/m²) et élevé (10 kg/m²).

Pour n'introduire aucun biais sur le type et la structure du sol qui pourrait influencer la pousse des plantes, 54 parcelles ont été disposées selon un plan en blocs randomisés. La superficie totale du champ expérimental était de 7 m × 40 m (280 m²).

Les pousses d'engrais vert de chaque parcelle ont été échantillonnées et le poids frais a été mesuré :

• le 25 août 2009 pour clôturer la 1ère saison de culture,
• le 18 mai 2010 pour clôturer la 2ème saison,
• le 27 septembre 2010 pour clôturer la 3ème saison,
• et enfin le 17 mai 2011 pour clôturer la 4ème et dernière saison de culture.

Comparaison des résultats sur les cultures d'engrais vert d'été

A la fin de la 1ère saison (soit 76 jours après plantation des graines), les chercheurs ont mesuré la quantité de biomasse de chaque parcelle. Pour cela, ils ont arraché les plantes de chacune de ces parcelles, et les ont pesées.

En étudiant les résultats, on s'aperçoit que les poids mesurés ont considérablement diminué pour les parcelles cultivés avec du marc de café. Plus particulièrement, les poids de luzerne, sorgho et tournesol cultivés sur le sol contenant 1kg/m² de marc de café a diminué d'environ 50% par rapport au groupe témoin, et le poids de l'herbe de Guinée a même diminué d'environ 65%. Seul le crotalaire n'a pas diminué de manière significative. Quant aux parcelles cultivés avec 10kg/m² de marc de café, les cultures sont fortement plus chêtives, et dans ce cas, même le crotalaire n'a pas pu échapper à une forte inhibition de sa croissance.

On observe donc bien un véritable et très fort effet inhibiteur de croissance de la part du marc de café lorsqu'il est utilisé comme amendement pour les engrais vert d'été.

Poursuivons sur la suite de l'expérience, avec la culture des engrais vert sur les mêmes parcelles, 1 an après.

A la fin de la 2ème saison (soit 109 jours après plantation des graines), les chercheurs ont mesuré la quantité de biomasse de chaque parcelle.

En étudiant les résultats, on s'aperçoit qu'ils sont totalement différents des résultats de l'année précédente. Les activités inhibitrices de croissance des plantes du marc de café ont complètement disparu et les poids en biomasse de l'herbe de Guinée, du sorgho et du tournesol étaient respectivement 2,7, 2,2 et 2,1 fois supérieurs à ceux du groupe témoin. Seuls les poids en biomasse des autres plantes (luzerne et crotalaire) étaient similaires à ceux du témoin. Cela vient contredire les précédents résultats. Mais on peut tout de même en tirer une conclusion très intéressante pour les cultures sur le court et le long terme, et en définir une utilisation plus adéquate pour l'agriculture.

Voir la conclusion sur l'effet du marc de café en tant qu'engrais pour les cultures

Comparaison des résultats sur les cultures d'engrais vert d'hiver

A la fin de la 2ème et de la 4ème saison, les chercheurs ont mesuré la quantité de biomasse de chaque parcelle.

Au cours de la deuxième saison de culture, la quantité de biomasse pour l'orge dont les parcelles contenaient 1 et 10kg/m² de marc de café, a diminué. Les valeurs ont été de 50% inférieures à celles du groupe témoin. Cependant, les poids relevés d'avoine et de seigle étaient similaires à ceux du groupe témoin. Il y a donc bien un effet inhibiteur de la croissance mais seulement sur certaines variétés d'engrais vert d'hiver.

D'autre part, les poids de biomasse de chaque engrais vert, pesés lors de la 4ème saison (c'est à dire 1 an après) ont été sensiblement les mêmes par rapport à ceux du groupe témoin. Il semble alors que le marc de café n'a plus d'incidence sur la croissance de certains engrais vert d'hiver, une fois composté.

Le marc de café a le potentiel d'augmenter la teneur totale en azote des sols et de réduire le rapport C/N sur le long terme. On peut donc se demander si l'application du marc de café n'améliorerait pas la croissance des plantes en améliorant les propriétés chimiques et physiques du sol ?

Le marc de café peut-il enrichir votre sol ?

Plus récemment, dans un article paru en 2022, et portant sur l'enrichissement du sol par le marc de café, des chercheurs espagnols ont étudié l'ajout de SCG à un sol sablo-argileux, trouvant une augmentation des concentrations de carbone et d'azote mais un rapport C/N réduit. Ils ont également étudié l'effet du dosage du SCG sur les propriétés chimiques et physico-chimiques des sols du bassin méditerranéen, et ont conclu que l'ajout de marc de café augmentait la fertilité chimique des sols, en les enrichissant en macronutriments essentiels N, P et K (azote, phosphore et potassium), mais aussi en magnésium et en cuivre.

Il est possible que les résidus de café enrichissent également le contenu minéral de certaines plantes. Par exemple, en 2021, ces mêmes chercheurs espagnols ont étudié le traitement du marc de café pour augmenter sa teneur en zinc et en fer. En l'appliquant à une culture de laitue, ils ont observé une amélioration de la teneur en ces minéraux. De plus, une importante réserve de ces minéraux est restée dans le sol après la culture. Selon ces scientifiques, le marc de café agirait donc comme un système de libération lente de minéraux.